L’indécision d’embauche
Dans un billet récent intitulé Comprendre deux erreurs de recrutement, j’abordais l’impact sur le gestionnaire de la crainte de faire une erreur de recrutement de Type A.
Cette crainte vécue par tous les gestionnaires au cours de leur carrière a des effets qui varient chez les individus en fonction de la culture de leur organisation, de leurs compétences en recrutement ainsi que certains autres facteurs comme leur confiance en soi, leur leadership et leur imputabilité.
J’explorerai dans ce billet comment la crainte de faire une erreur de recrutement peut se manifester et les conséquences néfastes qu’elle peut avoir sur la capacité de recruter les meilleurs.
Vous venez de faire une embauche qui n’a pas donné les résultats escomptés. Vous avez mis de nombreux efforts, mais vous avez finalement l’impression d’avoir pigé le mauvais numéro. Après avoir tenté d’aider votre nouveau directeur du marketing, après avoir couvert plusieurs de ses erreurs, vous n’en pouviez plus, c’était intenable. Vous avez fait un plan d’action avec lui, il n’a pas pu le réaliser. Vous vous rassurez en vous disant que c’est de sa faute finalement, il n’a pas tenu ses engagements et su livrer la performance attendue…Cependant au fond de vous, vous avez tout de même le sentiment d’avoir fait une erreur et d’être pris en défaut. On ne vous y reprendra plus, vous allez tout faire pour ne pas être pointé du doigt la prochaine fois, comme celui qui a embauché le pire directeur du marketing que la firme n’a jamais eu…
Alors que vous êtes en plein processus de sélection pour le remplaçant de votre directeur marketing, le doute s’empare de vous. Et si cette candidate, à première vue exceptionnelle, s’avérait encore une fois une déception. Vous décidez de ne pas prendre de chance et d’inclure 2 de vos collègues sur la liste des gens à rencontrer en entrevue. Vous vous dites que devant une décision aussi importante, demander l’avis à deux collègues ne sera pas un luxe. De plus, s’ils sont d’accord avec vous, ils ne pourront pas se ranger du côté des inquisiteurs si cette candidate ne devient pas une excellente employée. Pour conclure, vous avez décidé de la présenter à votre patron, par courtoisie, mais aussi pour aller chercher son accord. Et évidemment, sans oublier le directeur des ressources humaines. Encore une fois, si cela tourne mal mais qu’ils étaient tous d’accord à prime abord, vous ne serez pas dans une position si difficile tout compte fait.
Indécision= Allongement du processus
C’est l’un des principes même d’un des comportements les plus fréquemment induit par la crainte de l’erreur de Type A : l’allongement du processus de décision. Ce genre de situation peut inciter le gestionnaire à rajouter plusieurs étapes de sélection, qui semble toutes se justifier d’elle-même, de son point de vue du moins. Mais quel est l’impact réel de ce genre de tactique? Il y a fort à parier que le premier impact sera effectivement de protéger un peu le décideur, il aura partagé son risque. Le décideur ne pourra pas porter seul la responsabilité de cette embauche et il aura donné l’impression d’avoir pris toutes les mesures pour ne pas répéter la même erreur deux fois.
Indécision= perte d’intérêt
Il est possible que l’excellente candidate que vous considérez en soit à sa 5e entrevue, sans avoir entendu parler d’une offre d’emploi? De plus elle a probablement le sentiment de raconter une fois de plus la même histoire à une personne de plus qui n’est pas en position décisionnelle. Si il s’agit vraiment, non pas seulement d’une candidate exceptionnelle, mais bien d’une vraie cadre performante et pleine de talent, la multiplication des étapes a probablement graduellement semé le doute et fait diminué son intérêt. A-t-elle continué d’écouter des compétiteurs pendant ces délais additionnels?
Ce qui au départ pouvait ressembler à un simple élan de sagesse et de prudence peut se transformer en véritable catastrophe. Alors que les candidats comprennent généralement qu’une organisation veuille valider les références et faire évaluer une candidature par un psychologue industriel, la plupart maugréent en silence à l’annonce d’une Xe entrevue, trop souvent identique à la précédente.
Bien qu’il soit nécessaire de prendre le temps qu’il faut pour réaliser un bon recrutement, il faut analyser les étapes de sélection pour s’assurer de notre efficacité et de notre efficience et aussi tenir compte du fait que nous sommes dans un paradigme différent du recrutement que celui qui a prévalu jusqu’au tournant du siècle : nous sommes dans un marché de candidat, dans un marché de rareté. Dans un tel marché, il n’est pas rare que les meilleurs soient aussi les plus prudents, ils veulent s’assurer de choisir la meilleure opportunité pour eux. Les décideurs sont souvent concentrés sur leur processus, absorbés par la crainte de faire une erreur, ils ne remarquent pas que votre organisation passait une entrevue? Quelles conclusions les candidats peuvent tirer de la façon dont l’organisation mène ce processus?
Se poser les bonnes questions
Les candidats les plus critiques dans ce genre de situation sont souvent les plus intelligents et les plus talentueux, ils comprennent plus vite que les autres le petit jeu bien particulier qui se produit : ils comprennent l’indécision face à leur candidature. Ils se disent peut-être qu’ils n’auront pas les coudées franches lorsqu’ils voudront embaucher eux-mêmes une fois en poste. Ils comprennent aussi que les gestionnaires démontrent peu de confiance. Ils questionnent leur éventuelle latitude décisionnelle une fois en poste, et cela a tôt fait de semer le doute. Les candidats accordent plus de crédibilité à ce qu’ils constatent d’une organisation eux-mêmes qu’à l’effort de communication liée à la marque employeur que cette organisation aimerait avoir.
Les questions à se poser : Est-ce possible que certains processus condamnent les organisations à embaucher le meilleur des candidats moyens qui, en manque d’opportunités, sera encore à bord lorsqu’une décision sera prise? Si le processus de sélection de l’organisation était plus performant, l’organisation serait-elle autant exposée au risque de perdre les meilleurs candidats? Si les gestionnaires étaient mieux préparés à faire du recrutement, seraient-ils plus efficaces? Seriez-vous de ce fait un employeur plus attrayant?
L’allongement du processus de sélection est souvent induit par la peur de faire une erreur de Type A . Il s’agit d’un défi de taille lorsqu’on tente d’embaucher les meilleurs. Dans un marché où les organisations compétitionnent pour le talent, les plus performantes en recrutement engagent les gens talentueux pendant que les autres continuent de les questionner.
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