Le marché de l’emploi a beaucoup changé ces 30 dernières années alors que deux paradigmes se sont succédé. L’évolution de la conjoncture économique, la modification de la démographie, l’augmentation des échanges commerciaux mondiaux et l’évolution des technologies de l’information et des communications sont des grands vecteurs de ce changement important. Au cours de cette période, nous avons connu deux paradigmes diamétralement opposés. Les moyens utilisés dans le monde du recrutement ont beaucoup changés, cependant certains vieux réflexes eux demeurent malgré tout. À croire que le virage important que demande le changement d’un paradigme à un autre n’est toujours pas complété. Probablement que ce premier paradigme était bien plus confortable pour les organisations…

Premier paradigme: l’abondance

Alors qu’au début des années 1980,  le monde vivait un cycle économique trouble qui dura près de 10 ans, les organisations faisaient face à un afflux massif de curriculum vitae, des centaines, voire des milliers pour chaque poste vacant.

Les candidats étaient  confrontés à une situation économique difficile et étaient prêt à jouer le jeu dont les employeurs allaient dicter les règles. C’était le temps du paradigme de l’abondance de candidature. Les candidats eux prenaient leur mal en patience et se prêtaient volontiers à des processus de sélection exigeants, parfois même intrusifs ou franchement désagréables. Disons que l’expérience candidat n’avait pas la cote, pas plus que les palmarès d’employeurs. Les candidats eux devaient se démarquer, les employeurs avaient le choix.

abondance

Les organisations ont donc créé des processus dont le but premier était de faire face à une marée de cv et de candidats. Le mot d’ordre était d’éliminer des candidatures pour faciliter la sélection. Alors les employeurs ont simplement rehaussé leurs critères, il était ainsi plus facile d’éliminer de nombreuses candidatures avec des critères quasi arbitraires mais aussi efficace et facilement identifiables: 10 ans d’expérience de gestion des opérations dans le secteur pharmaceutique. Si vous n’en aviez que 9 et demi… Don’t call us, we’ll call you…

Considérant la facilité que la plupart des organisations avaient à générer des candidatures dans des délais assez courts, elles avaient pour habitude de recruter à la demande, c’est-à-dire en fonction d’une réquisition de recrutement généralement émise à la suite de la création d’un nouveau poste, d’une démission ou d’un congédiement. Si on fait un parallèle avec les stratégies d’approvisionnement, c’était logique de procéder ainsi vu l’abondance. Les candidatures étaient assimilées à des commodités* et les moyens d’approvisionnement mis en œuvre étaient conséquents.

Deuxième paradigme: le paradigme de l’attraction

Alors que s’effaçait graduellement les signes de la récession (puis du crash) des années 80 ainsi que de la lente reprise du début des années 90, le spectre d’un nouveau paradigme commençait à apparaître. Cette époque était marquée par ce que l’on a appelé la bulle des technos et le spectre du Y2K, le fameux bug de l’an 2000. Un contexte différent se présentait alors que l’économie mondiale tournait rondement à la faveur d’échanges commerciaux mondiaux grandissants, de rendements élevés et de taux de chômage à la baisse.

Dans le secteur des technologies de l’information, le changement était si rapide que la main-d’œuvre compétente devenait très sollicitée. En cette période de la fin des années 90, de nombreux étudiants en informatique n’ont pas eu le temps d’obtenir leur diplôme qu’ils avaient déjà plus d’une offre d’emploi. Les organisations commençaient à constater la fin du paradigme de l’abondance et le début du paradigme de l’attraction, et elles ont intensifié leurs efforts, parfois en vain. Conformément à ce paradigme, les organisations compétitionnent entres elles pour séduire les meilleurs candidats qui choisissent d’offrir leurs services à l’organisation dont l’offre leur semble la plus compétitive. Ce paradigme nous permet de constater le revirement de situation, puisque ce sont maintenant les candidats qualifiés qui profitent du privilège de choisir. Ce nouveau paradigme plaçait les organisations face au vent, une situation complètement inusitée pour plusieurs.

Ce changement radical est survenu en moins d’une décennie. Alors qu’il était auparavant si facile d’obtenir de bonnes candidatures en publiant simplement une offre d’emploi, dans le contexte de ce nouveau paradigme, il fallait maintenant convaincre les candidats que notre offre d’emploi était la plus intéressante. Certains auteurs sont d’avis que le recrutement est passé d’une fonction ‘approvisionnement’ à une fonction ‘marketing’. C’est un renversement important, alors qu’on traitait le candidat comme une commodité, il semble maintenant qu’il soit devenu un client ou à tout le moins une ressource stratégique pour l’organisation.panel entrevue

Les organisations les plus avancées ont changé assez rapidement leurs façons de faire; ce qui ne fut pas chose facile. Beaucoup ont travaillé à définir leur identité comme employeur et à promouvoir la valeur de leur offre. Certaines ont mieux réussi que d’autres en respectant ce qu’elles étaient réellement, d’autres ont eu une approche plus cosmétique. Les candidats eu ont eu tôt fait de comprendre qu’ils étaient des consommateurs et qu’ils pouvaient se comporter comme tel et tout questionner. Une chose est certaine, le recrutement dans le cadre de ce nouveau paradigme serait porteur de rendements décroissants alors que notre économie serait de plus en plus en demande de cadres et de professionnels qualifiés.

Puis  2008 et la crise financière se sont avérés des changements importants dans la conjoncture économique,  remettant les pendules à l’heure de la décroissance sur le marché de l’emploi. Un peu comme une vague de froid qui frappe malgré le réchauffement climatique global. Alors que les entreprise peinaient à recruter, une période économique plus chancelante (amorcée en 2008) a eu pour effet de créer une accalmie pour certains employeurs malgré tout aux prises avec des postes vacants. Malgré le rêve d’une situation meilleure, du retour à l’abondance, le paradigme de l’attraction lui n’est pas près de s’estomper, il n’attend qu’un peu de croissance pour causer des maux de têtes à toutes les organisations.

Sous l’influence de deux paradigmes?

Bien des choses ont changé dans le monde du recrutement. Il est vrai que plusieurs organisations ont mis des efforts importants pour développer des initiatives de gestion de la relève, mis des efforts dans le développement de la marque employeur et nommé des gens expérimentés dans des postes d’acquisition de talents. D’autres ont notamment intensifié l’utilisation des médias sociaux, investit dans les palmarès d’employeur, développé des profils vidéo d’employés qui composent leur main-d’œuvre, bâtit des sites de carrières 2.0, et mis en place des sessions de chat avec des employés potentiels, afin de faire face l’arrivée du paradigme de l’attraction.

Alors que plusieurs organisations ont adopté ces nouveaux outils, certaines d’entre elles tardent cependant à développer des stratégies vraiment adaptées et à délaisser certaines pratiques qui me semblent peu compatibles avec ce nouveau paradigme. Alors qu’un professionnel de la  chaîne d’approvisionnement développerait des shortagestratégies infaillibles pour ne pas manquer d’une ressource rare et essentielle, dont le délai de livraison est très variable et dont les sources d’approvisionnement sont imprévisibles, nos organisations semblent encore attendre la rupture de stock avant d’initier leur processus de recrutement d’un cadre. Les vieux réflexes développés dans le cadre du paradigme de l’abondance semble encore être bien présents, alors que l’abondance de bons candidats elle n’est plus.

Recruter à la demande dans un contexte de rareté me semble un pari risqué, une approche qui ne peut pas permettre de développer une position stratégique dans un marché compétitif. Cette approche qui ne peut pas permettre à une organisation de recruter à coup sûr des joueurs talentueux car elle mise trop sur le hasard et la disponibilité circonstancielle des meilleurs.

I happen to need a basketball player today. Did Michael Jordan happen to quit is job?

-Dr John Sullivan

Alors à quand des stratégies qui pourraient permettre aux organisations de remplacer dans les jours qui suivent n’importe quel cadre ou professionnel par un joueur talentueux? Encore une fois, même avec les meilleurs outils, moyens, ou processus, rien d’efficace si les stratégies employées dates d’une autre époque. Il semble que plusieurs organisations utilisent les nouveaux médias en fonction de vieilles habitudes.

Êtes-vous encore influencé par cet ancien paradigme?

Est-ce que votre organisation recrute encore majoritairement  à la demande?

Le talent est-il traité comme une commodité*?

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*Une commodité au sens de la science de la logistique et de l’approvisionnement, est un item sans grande valeur et interchangeable que l’on peut se procurer facilement et généralement dans des délais très court. Pensez à du papier, des gants de travail, du ruban gommé….

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