Le chasseur de têtes, un homme de Cro-Magnon?
Dans cet environnement numérique en pleine évolution depuis l’an 2000, on a pris pour mort et enterré le rôle du chasseur de têtes à plusieurs reprises. Certains ont pensé que les babillards d’emploi l’achèveraient, d’autres que LinkedIn lui donnerait son coup de grâce. Plus récemment, certains avancent que les capacités extraordinaires que l’on attribue à l’Intelligence artificielle vont assurément le surclasser.
Chasseur de têtes : un rôle en évolution
Certes, son rôle a évolué grandement depuis le temps où il était mandaté pour son Rolodex*. Ses outils et ses méthodes de travail se sont démocratisés. Les technologies de l’information ont facilité l’accès des employeurs directement aux candidats, court-circuitant ainsi le rôle de l’intermédiaire en recrutement dont le chasseur de têtes avait l’exclusivité. Mais voilà, ce rôle traditionnel au cœur de son intervention professionnelle n’était pas son seul rôle, ou la seule corde à son arc. Bien évidemment pour plusieurs, dont les compétences et l’offre de services n’étaient que de balancer (par fax…) des dizaines de CV à un employeur potentiel, la démocratisation des outils numériques associés au recrutement a été fatale. Mais, encore aujourd’hui, les pseudos chasseurs de têtes dont le principal attribut est de posséder une licence LinkedIn Recruiter sont tout de même dans une situation précaire.
Les outils numériques
J’emploie souvent la métaphore de l’artisan ou de l’ébéniste qui veut « qu’on ne devienne pas ébéniste en s’achetant un coffre d’outils ». Le chasseur de têtes professionnel utilise bien sûr beaucoup d’outils numériques qui facilitent son travail. Mais là ne s’arrête pas son intervention, c’est plutôt là qu’elle commence. Par exemple, nous n’utilisons presque aucun babillard d’emploi pour la simple et bonne raison qu’ils ne sont pas pour nous d’une grande utilité, nos clients s’en servent et c’est très bien ainsi. Mais, le réflexe même de mettre une ligne à l’eau et d’attendre qu’on y mordre est un moyen de recrutement passif qui est l’apanage des agences de placement, mais pas des chasseurs de têtes professionnels.
De plus, l’utilisation des technologies liées à l’intelligence artificielle est intéressante en soi, mais encore peu adaptées au travail de précision et « fait sur mesure » que nous effectuons. En fait le travail du chasseur de têtes professionnel va bien au-delà de l’identification et de la sélection des candidatures. La somme des informations qu’il considère dans sa relation-conseil avec son client rend caduque un modèle économique où l’IA viendrait à le remplacer. L’intelligence augmentée sera cependant d’une grande utilité pour son efficience interne.
Le chasseur de tête: un conseiller stratégique !
Un bon chasseur de têtes professionnel est d’abord et avant tout un conseiller stratégique qui comprend encore mieux que son propre client le besoin qui lui est exprimé. Il saisit les non-dits dans l’expression de ce besoin, comprend le style de gestion du patron et la culture de la boîte sans les biais perceptuels qui affectent les représentants de son client, souvent trop près de l’arbre. Son portrait-robot est alors unique. Je dis souvent que je comprends comment je vais avoir du succès dans les premières heures d’un mandat, même si sa réalisation est complexe et prendra des semaines intenses de travail pour nos recherchistes. Ce déclic initial est souvent assez rapide.
Cependant, même une fois cette étape cruciale complétée, la recherche de candidats n’est pas ce que la plupart des gens pensent. Identifier des candidats peut être assez simple avec les outils d’aujourd’hui, mais ce n’est qu’une étape de notre travail, la plus facile, celle qui demande le moins de doigté.
C’est un peu comme aller à la pêche avec un sonar très sophistiqué. Bien que cela permette de localiser les poissons, cela ne vous garantit en rien de pouvoir en manger pour le dîner.
C’est là que le vrai professionnel du recrutement entre en scène. Il bâtira l’histoire de cette opportunité en faisant ressortir les avantages de la position, ses attraits, mais aussi ses défis. De plus, il prendra soin de bâtir la relation avec le candidat en tenant compte de ses besoins et de ses chances de succès dans le poste. Finalement, il pourra le convaincre, mais sait aussi qu’il ne devra pas survendre une opportunité. Alors le chasseur de têtes professionnel est un conteur, un conteur crédible, authentique, qui se tiendra loin des récits de pêches.
Là pour rester
Voilà pourquoi le rôle relationnel du chasseur de têtes professionnel est là pour rester. Bien qu’il doive être lui-même à l’affût des nouvelles technologies qui le serviront bien s’il apprend à s’en servir, il ne sera pas lui-même remplacé par l’Intelligence artificielle. Son travail de relation et de conseil est plus complexe qu’il ne le semble.
L’artisan ne sera pas remplacé par ses outils, quoi qu’en pensent les quincaillers.
*Pour ceux qui se souviennent de cet ancêtre !
2 Comments. Leave new
Très bon article Guillaume!
J’adore le coté stratégique du chasseur de tête qui permet vraiment de trouver la bonne personne! Je crois vraiment à l’association en partenariat avec le client. Bravo Guillaume et bonne continuité!
Je me demandais justement pourquoi les postes à combler n’étaient pas affichés. Maintenant j’ai la réponse!